Le passé des nations se conjugue au présent. Tout comme l’histoire, il nous enseigne sur leur culture, leurs us et coutumes dans un espace bien déterminé qui nous exige de le protéger et de le préserver pour les générations futures. Bulla Regia, un exemple d’un récit.
Bien avant le Mois du patrimoine, célébré, chaque année, du 18 mars au 18 avril, l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (Amvppc) est revenue sur la scène pour tâter le terrain de ses sites et monuments et décider, si besoin est, de certaines interventions nécessaires.
Sur les ruines d’une cité royale
Après une rupture de trois ans, suite au Covid-19, l’agence reprend l’habitude d’organiser des visites d’exploration aux médias et les inviter à s’arrêter sur un patrimoine matériel et immatériel riche en histoire trois fois millénaire. A deux heures de la capitale, Bulla Regia, un site archéologique à Jendouba, n’a pas encore le vent en poupe. Il n’entre pas, comme de juste, dans les circuits culturels et touristiques organisés. Pourtant, ce site est reconnu être un carrefour de civilisations numides, romaines et puniques, dont chacune fut imprégnée des dogmes de la suprématie et l’appropriation. Ainsi, Bulla Regia s’est vu successivement hérité, d’une époque à l’autre, avec un brassage culturel, religieux et ethnique jusque-là tracé sur les dédales de la cité. Partiellement enterré, ce site manifeste un aspect architectural mosaïqué et révèle, un tant soit peu, les secrets de son passé.
Sur ce site, aux origines berbères, autant de civilisations, qui marquèrent leur passage, nous relatent aujourd’hui des épopées royales aux couleurs numides, puniques, romaines et byzantines.
Mohieddine Chaouali, inspecteur régional du patrimoine au Nord-Ouest et chargé des recherches historiques et archéologiques à l’Institut national du patrimoine, l’a qualifié d’un des plus beaux sites dans la région. Ses vestiges de grandeur remontent à l’âge d’or, étendu du IIe au VIe siècle après J.-C. Encore visibles sur terre, ils sont témoins de son bon vieux temps. Temples d’Isis, d’Apollon, dieu de la musique et du chant, théâtres, agora, bains maures ou hammams, Bulla Regia fut une véritable cité royale. «Ses habitations offrent la particularité d’être pourvues d’un étage souterrain, hors du commun à l’époque.
On y trouve la maison de la déesse Vénus, celle de la chasse, de la pêche, du trésor et du paon», évoque-t-il. D’ailleurs, ce sont des appellations intrinsèques liées à des récits mythologiques et tableaux mosaïques qui ornent ces maisons, lesquelles ont été découvertes suite à des fouilles archéologiques ayant donné lieu à des travaux de restauration et de soutènement. Préservation du patrimoine oblige.
Chemtou, un musée unique en son genre
Empruntant le circuit indiqué, l’on y découvre un musée à ciel ouvert. Le site, étendu sur 80 ha, raconte un pan de l’histoire de la région. Sur les pas de l’archéologue, l’on a pu pénétrer dans les rouages des ruines géoculturelles, reconstituant ainsi tout un plan directeur urbain. Le sous-sol fut, alors, en vogue : «L’escalier de descente débouche dans un couloir qui dessert assez librement les pièces qui peuvent se faire face ou être réparties aux extrémités d’un dégagement, l’aération provenant de fenêtres localisées au niveau supérieur des parois.. ». Ce système de circulation de l’air chaud, qui vient rencontrer la fraîcheur de l’eau des puits souterrains, était une technique de climatisation répandue. Et les vestiges de Bulla Regia continuent à raconter l’attachement des habitants à l’art théâtral, signe d’ouverture et de liberté. Sur son passage, en 399 après J.C par Bulla Regia, Saint Augustin les jugea de mauvais chrétiens, condamnant leur propension aux loisirs et au théâtre. Des « futilités » auxquelles leurs voisins à Chemtou avaient, pour partie, renoncé.
A quelque quinzaine de kilomètres, Chemtou abrite, depuis les années 90, un complexe muséographique, fruit d’une étroite coopération tuniso-allemande. Edifié sur une marbrerie moderne désaffectée, ce complexe unique en son genre dans tout le bassin méditerranéen couvre une superficie d’environ 10 mille m2. Bien qu’il soit dédié à une chaîne antique de valorisation du marbre local de haute qualité, le décor n’y est pas lié. Et son cachet architectural ne compose pas avec sa vocation conservatrice. Faute d’un bon aménagement, certaines pièces archéologiques semblent mal protégées, à la portée des mains et exposées à un éclairage peu étudié.